Reconnaître nos différences, les valoriser et proposer un chemin pour en faire un levier de performance et d’innovation : si la diversité est une question de RH et l’inclusion une question de management, alors l’équité est une question de leadership.
Si vous vous intéressez à la diversité et à l’inclusion, vous êtes peut-être déjà tombé sur le sigle DE&I, particulièrement sur les sites anglophones (ou canadiens francophones). Il désigne en effet désormais la Diversité, l’Équité et l’Inclusion. Quoi ! L’inclusion à peine digérée (dont vous ne voyez pas toujours ce qu’elle a de fondamentalement différent par rapport à la diversité), il faudrait déjà lui adjoindre un troisième larron, qui semble lui aussi faire double – ou triple – emploi ? Respirez un bon coup, on va vous expliquer tout ça !
Question de définition
Nous avons déjà traité de l’histoire de ces notions dans un post précédent : tout part de la volonté de passer de la lutte contre les discriminations dans les années 1970 à une affirmation plus positive aujourd’hui, pour les chances de tous.
Voici comment Le Petit Larousse définit la diversité : “caractère de ce qui est différent ; variété, pluralité” ; l’inclusion : “action d’intégrer une personne, un groupe, de mettre fin à leur exclusion (sociale, notamment)” ; et l’équité : « qualité consistant à attribuer à chacun ce qui lui est dû avec justice et impartialité”. Incontestablement proches, ces valeurs n’en sont pas pour autant interchangeables. Encore moins appliquées à l’entreprise. !
25 critères de diversité (pour le moment !)
La diversité vise à la reconnaissance et à l’acceptation de nos différences. La loi française reconnaît 25 critères (la tendance est à en ajouter chaque année de nouveaux !), certains visibles – être noir, être en fauteuil roulant etc. -, certains invisibles – habiter un “quartier”, voter pour des partis extrémistes etc. -, d’autres enfin qui relèvent d’une visibilité choisie ou parfois imposée – être “outé” en tant que personne LGBTQIA+, devoir demander un congé pour motif religieux etc. -. Toute discrimination fondée sur l’un de ces critères est illégale, et certains constituent même des motifs aggravants (sexisme, racisme et homophobie).
La prise en compte de la diversité est souvent vue comme une problématique de RH, en ce qu’elle permet de ne pas passer à côté de futurs collaborateurs de valeur qui pourraient, en raison de leur différence, ne pas candidater. Elle aligne également les entreprises sur les valeurs d’ensemble de la société, donc de leur clients. Comme l’a dit Tim Cook : “Quand nous avons lancé Apple Store, on nous a dit : des vendeurs piercés, tatoués, avec des coiffures afro… Est-ce vraiment ça, Apple ? Mais oui : cette diversité, c’est celle de ceux qui achètent nos produits ! La diversité est l’avenir de l’entreprise“.
80% des Français veulent se voir mieux représentés parmi les collaborateurs des marques qu’ils achètent.
étude Accenture
Plus l’entreprise est inclusive, plus elle est rentable et innovante !
On peut avoir une entreprise parfaitement diverse, où les femmes sont majoritaires MAIS n’accèdent pas au comité de direction (plafond de verre), où les gays sont cantonnés aux départements “créatifs” comme la com et le marketing MAIS restent exclus de ceux sur le terrain (préjugés homophobes), où les personnes en surpoids travaillent en back office MAIS ne sont jamais affectées au front desk (grossophobie). C’est là que l’inclusion entre en scène : pour supprimer tous ces “MAIS”. L’inclusion consiste en ce que les personnes se sentent appréciées, non pas malgré leurs différences, mais valorisées grâce à elles.
Il s’agit avant tout d’une problématique de management qui impose aux équipes la prise en compte de nos mécanismes cognitifs (nous avons tous des biais, des préjugés) et de la manière de les dépasser. Les entreprises américaines dirigées par des femmes ont de meilleurs résultats en temps de crise, celles qui protègent leurs collaborateurs gays en Pologne sont plus innovantes que celles qui sont dans les zones anti-LGBT, celles qui en France embauchent plus de personnes en situation de handicap ont un taux d’absentéisme plus faible etc. Oui, vous avez bien lu* : Et toutes les études montrent qu’il s’agit bien là d’un levier de performance mesurable.
Ne plus dépenser d’énergie pour “s’imposer contre” ou dissimuler ce qu’on est améliore le bien-être et l’engagement des salariés et les rend plus performants. Vernā Myers, activiste devenue vice-présidente de Netflix en charge des stratégies d’inclusion, l’a résumé en une formule devenue célèbre : “La diversité, c’est être invité au bal de la promo. L’inclusion, c’est de pouvoir y danser”.
Une augmentation du « budget Diversité, Équité et Inclusion » de 10% se traduit par une augmentation de 8,3% de la performance globale de l’entreprise.
étude Stanford University 2012-2016
L’équité, c’est le nombre de caisses dont chacun a besoin pour voir le match
Enfin, l’équité est l’approche par laquelle l’entreprise s’assure que chacun bénéficie des mêmes chances. Pendant le confinement, certaines organisations ont mis tous leurs salariés en télétravail : principe d’égalité. Pourtant, comme dans Les Animaux de la Ferme de George Orwell, certains se sont retrouvés plus égaux que d’autres.
Assurer une souplesse horaire pour ceux qui avaient des enfants à gérer, apprendre à rester zen en dépit d’une connexion erratique, verser une prime pour changer de matériel ou s’acheter un siège plus ergonomique, proposer un suivi psychologique pour ceux qui ont des difficultés à socialiser via l’écran etc., ça, c‘est l’équité. Chacun doit disposer du moyen – ou des moyens – qui le mettent au niveau de tous.
Bien sûr, le niveau de complexité qu’engendre cette notion est plus élevé car elle se différencie de l’égalité par l’adjonction de l’idée de justice (ou d’injustice) qui reste difficile à appréhender de façon exhaustive et impartiale. Mais c’est comme dans ce célèbre dessin où l’on fournit à trois enfants une caisse afin qu’ils puissent regarder un match par dessus une palissade (principe d’égalité), alors que le plus grand pourrait s’en passer et qu’il en faudrait deux pour le plus petit (principe d’équité). Cela demande plus de volonté, mais la satisfaction n’en est que plus grande.
De même, en entreprise, il ne suffit pas, par exemple, d’embaucher plus de femmes (diversité, problématique de RH), ni de mieux valoriser leur rôle au sein des équipes et de les encourager officiellement à candidater aux plus hauts postes (inclusion, problématique de management).
Il faut aussi faire preuve d’équité, ce qui est une problématique du leadership : nommer des administratrices extérieures pour envoyer des signaux positifs, proposer des mentors vers qui elles puissent se tourner, financer des formations, valoriser dans leur carrière les temps de congés maternité ou ne pas décourager les absences en cas de maladie du petit dernier, apprendre à lutter contre l’auto-censure (nommée également “plancher collant”, un obstacle symétrique du fameux “plafond de verre”) et, bien sûr, prévoir d’étendre cette équité – toujours par souci de justice – aux alliés (cette notion d’alliés est si importante que nous lui consacrerons prochainement un article), en l’occurrence aux hommes qu’on encouragera aussi à prendre leur congé parental ou à s’absenter pour garder les enfants quand l’école est en grève.
Ainsi, nombre d’entreprises incitent leurs collaborateurs à proposer des idées nouvelles. Pourtant, quand il s’agit d’innover, elles ne s’adressent qu’à quelques-uns de leurs collaborateurs, formés dans les mêmes moules, pensant avec la même boîte à outils. Rares sont celles qui appliquent le principe édicté par Walt Disney : “Si le jardinier du studio a une bonne idée, qu’il me la soumette. Je suis preneur des innovations d’où qu’elles viennent”. Plus rares encore sont celles qui, comme Disney et Pixar aujourd’hui (via les programmes Launchpad et SparkShots), incitent tous leurs employés (diversité) à proposer un court-métrage sur un sujet qui touche à leur propre différence (inclusion) et aident les projets sélectionnés à voir le jour (équité) par un système de mentoring et de financement, jusqu’à les diffuser sur Disney+ ! L’un des cartoons de cette série, Mon Terrier, a même été nominé à l’Oscar du meilleur court-métrage d’animation. Alors, qu’attendez-vous pour parler au jardinier ?
32% des collaborateurs les moins diplômés sont des “innovateurs”, un pourcentage similaire à celui des plus diplômés. L’esprit d’innovation ne s’acquiert pas avec un diplôme !
étude INSEE
Autrement dit, la diversité et l’inclusion ne sont pas “performatives” (le dire, c’est le faire) par elles-mêmes. Les proclamer valeurs de l’entreprise ne suffit pas, c’est l’équité qui met en marche la machine.. Et qui permet à chacun de bénéficier d’un joli terrier !