Lutte contre les discriminations, diversité, inclusion… L’évolution du vocabulaire des différences marque bien comment on est passé de leur tolérance à leur valorisation.
Tolérance, lutte contre les discriminations, diversité, inclusion… Les termes décrivant la prise en compte des différences au sein des entreprises peuvent varier mais le but reste le même : un management qui les favorise, les valorise et les promeut conduit à plus de bienveillance, de créativité et d’innovation.
De la tolérance à la lutte contre les discriminations
Partons d’une hypothèse fondatrice : nos différences nous complètent plus qu’elles ne nous divisent ; elles nous enrichissent et les entreprises ont tout à gagner à les mettre en valeur. Certes, cela semble une idée généreuse et parfaitement souhaitable dans l’absolu, mais c’est aussi une hypothèse testée et approuvée.
De nombreuses études ont montré tout son intérêt. Il y a le coût quand la diversité est absente : souffrance au travail, moindre investissement des collaborateurs, absentéisme… Et il y a le gain quand l’inclusion est au rendez-vous : ROI mesurable avec chiffre d’affaires additionnel, meilleure QVT, innovations en chaîne… sans compter des éléments plus intangibles comme l’impact sur l’image de l’entreprise, amélioration du climat social, attractivité de la marque-employeur etc.
Si l’idée de tolérance date des Lumières, il faut rappeler la notion restrictive que recouvrait alors ce mot : tolérer, c’est accepter du bout des lèvres l’autre, c’est supporter qu’il existe sans pour autant nécessairement lui accorder des droits spécifiques. Ce n’est que peu à peu que cette idée a perdu son sens étroit initial pour s’élargir à celle que les valeurs de l’autre valent les nôtres.
La notion d’égalité raciale a par exemple dû attendre la Constitution de la Ve République (1958) pour être clairement mentionnée. Avec l’égalité femmes / hommes, ces thèmes investissent le champ du droit du travail au début des années 1970 seulement. C’est le temps où la lutte contre les discriminations s’impose. La loi n’ira d’ailleurs jamais beaucoup plus loin : elle ne promeut rien, elle n’encourage rien, elle veille simplement à ce que personne ne soit victime d’un traitement défavorable (dans un premier temps, elle limite son action aux personnes racisées et aux femmes).
De la diversité à l’inclusion
Dans les années 1990, on commence à donner à la diversité son sens actuel. C’est un terme plus positif, ouvert, chaleureux, que celui de lutte contre les discriminations : il met l’accent sur une valeur à promouvoir plus que sur celle à combattre. Les entreprises prennent peu à peu en compte la diversité de leurs collaborateurs, après avoir pris conscience de celle de leurs clients et avant de faire le même chemin cognitif vis-à-vis de l’ensemble de leurs parties prenantes !
Aujourd’hui, il y a 25 critères retenus officiellement par la loi : apparence physique, âge, état de santé, appartenance ou non à une prétendue race, appartenance ou non à une nation, sexe, identité de genre, orientation sexuelle, grossesse, handicap, origine, religion, domiciliation bancaire, opinions politiques, opinions philosophiques, situation de famille, caractéristiques génétiques, mœurs, patronyme, activités syndicales, lieu de résidence, appartenance ou non à une ethnie, perte d’autonomie, capacité à s’exprimer dans une langue étrangère, vulnérabilité résultant de sa situation économique. Il n’y a aucune hiérarchie entre ces critères, tous doivent être encouragés au même titre. Seuls, le racisme, le sexisme et l’homophobie sont considérés comme facteurs aggravant en cas avéré de non respect (discrimination).
Dans les années 2010, le terme d’inclusion s’impose peu à peu. Devant l’augmentation des critères de diversité, certaines entreprises craignaient un “effet d’emballement”, une multiplication à l’infini de ces derniers : quid des hauts potentiels, des personnes avec une chronobiologie particulière (qui ne travaillent efficacement qu’en soirée ou très tôt le matin) etc. ?
En réalité, cette crainte s’est révélée grandement infondée car même si cela aboutissait – et ce n’est pas le cas – à faire de chaque salarié un individu pouvant se revendiquer d’une (ou de plusieurs) forme(s) de diversité, les effets positifs l’emporteraient toujours sur d’éventuels effets négatifs. La reconnaissance des différences est devenue une évidence, elle est un “attendu » chez les nouveaux collaborateurs. Elle ne suffit donc plus. C’est la valorisation de ces différences qui fait désormais la différence, qui est structurante. La diversité est descriptive, l’inclusion exprime l’engagement, elle est performative (le dire, c’est le faire).
Tous les chemins mènent à l’intelligence inclusive
Si les discriminations avaient tendance à ranger les collaborateurs par groupes, dans des cases, la diversité en a fait des individus. L’inclusion recrée de l’universalisme et ramène l’entreprise dans un projet collectif : tous différents, tous uniques, certes, mais aussi tous complémentaires ! C’est bien là le défi des années 2020 et au-delà pour le management : être intelligent en pensant la diversité, être plus intelligent en actant l’inclusion. Cela demande d’être convaincu, avant de devenir convaincant, par cette idée simple : l’égalité des uns, la valorisation des autres, bénéficient à tous.
Les hommes ont tout à gagner à travailler dans des entreprises dirigées par des femmes : la performance financière y est meilleure. Les LGBT qui n‘ont pas à se cacher ont un meilleur taux d’engagement, ce qui bénéficie aussi à leurs collègues hétéros. Là où travaillent de nombreuses personnes en situation de handicap, le taux d’absentéisme baisse… chez les salariés valides. L’ambiance est meilleure pour tous dans les sociétés qui ne tolèrent pas que les collaborateurs obèses soient stigmatisés. Quand on continue de promouvoir des seniors à quelques années de la retraite ou quand on confie des responsabilités à des juniors encore peu expérimentés, c’est le climat social pour tous qui en bénéficie. Ce ne sont pas là des vues de l’esprit : tous ces faits, même s’ils peuvent vous sembler paradoxaux, sont réels et documentés !
Pour bien fonctionner, l’intelligence inclusive oblige donc à garder quatre règles en tête.
> Respectez la loi. Rien ne vous empêche de faire plus, mais vous ne pouvez pas faire moins.
> Soyez juste. N’accordez pas des avantages à des collaborateurs au détriment d’autres collaborateurs : vous corrigez des inégalités, vous n’êtes pas là pour en créer d’autres.
> Tenez-vous en à la sphère professionnelle. Ce que fait le collaborateur sur son temps personnel ne vous regarde pas.
> Soyez bienveillant.e. Adaptez-vous, faites preuve de souplesse, tolérez le mauvais goût des autres : êtes-vous vraiment le.a seul.e à détenir les secrets du bon goût ? 😉
À retenir
Rien n’oblige les entreprises à faire de la diversité, la loi précise seulement qu’elles ne peuvent pratiquer de discriminations. Mais cette idée a peu à peu évolué pour reconnaître l’intérêt des différences, jusqu’à les valoriser aujourd’hui. Le management nécessite donc de plus en plus, en sus de ses compétences habituelles, la maîtrise de l’intelligence inclusive qui introduit un changement transversal (qui ne peut être la seule responsabilité des RH). C’est un investissement professionnel qui se justifie aussi en termes de ROI. C’est enfin une odyssée personnelle pour ceux qui l’entreprennent et qui doit les conduire à plus de justice et de bienveillance.